J’ai eu une réalisation à force de faire des formations à l’entretien structuré. Cette réalisation c’est que la plupart des recruteurs et recruteuses utilisent les mêmes critères peu importe le job.
Sans même s’en rendre compte.
Le pire c’est que c’est camouflé derrière la culture. On me dit non mais chez nous c’est hyper important d’avoir non seulement des hard skills mais aussi des softs skills.
Et… les“soft skills”(quoi que ça veuille dire) sont apparemment toujours les mêmes dans toutes les entreprises : le dynamisme, le fait de bien présenter, la sympathie…
Ou alors on me dit on cherche quelqu’un avec qui on pourrait aller prendre une bière.
En d’autres termes, on cherche des commerciaux.
Ou, pour être très précis : on cherche des personnes douées en entretien au lieu de chercher des personnes douées dans leur job.
Candidat n’est pas un métier, on l’a déjà dit et redit. Mais pourtant c’est un réflexe dur à surmonter. Même moi j’ai encore du mal alors que je n’arrête pas de l’enseigner. Instinctivement on va avoir du mal à séparer le plaisir qu’on a eu à faire l’entretien et l’évaluation de la personne en face.
Le souci c’est que ça parasite tout. Car on va avoir tendance à surestimer les compétences des personnes douées en entretien et sous-estimer les compétences des personnes nulles en entretien.
Si bien qu’une personne douée en entretien mais nulle à son poste va être mieux vue qu’une personne nulle en entretien mais douée à son poste. C’est le comble. On scie sa propre branche en faisant ça.
Malheureusement, plus on improvise et plus cet effet est fort. Plus on fait un entretien au feeling et plus on est vulnérable. Pourquoi ? Parce que moins un entretien est cadré et plus les gens talentueux en entretien vont se démarquer.
Pour bien le comprendre, prenons un exemple totalement loufoque. Imagine que demain, pour venir à ton entreprise, il faut la trouver au milieu d’une forêt, sans réseau GPS. Maintenant imagine que les gens arrivent devant la forêt sans indication.
Que va-t-il se passer ? Et bien les personnes qui sont douées en orientation vont trouver plus facilement l’endroit. Elles arriveront à l’entretien moins confuses, moins essoufflées et moins stressées. Il y a alors de grandes chances qu’elles réussissent davantage leurs entretien que les personnes qui sont nulles en orientation. Ces personnes vont arriver confuses, essoufflées, transpirantes. Certaines vont peut-être même abandonner et ne pas se présenter à l’entretien.
C’est injuste. Sauf si le job pour lequel on recrutait c’est guide forestier.
Maintenant imagine que les gens arrivent devant la forêt et que c’est guidé. Avec des panneaux partout, des indications. Des panneaux qui indiquent la bonne voie et le temps de marche, des panneaux qui indiquent quand on est dans la mauvaise direction et comment revenir sur la bonne route…
D’un coup tout le monde est remis sur le même pied d’égalité.
Dans cet exemple loufoque on comprend directement l’intérêt de guider un maximum les candidats.
Prenons maintenant un exemple un peu moins loufoque mais pas directement issu du monde du recrutement.
Quand j’étais en prépa on avait un exercice qui s’appelait la khôlle. C'est une forme de torture moderne où un prof vous met une pression maximale devant un tableau pour vous faire faire un exercice.
J’étais en khôlle de chimie et je n’avais pas bien révisé. Je ne savais donc plus comment différencier une oxydation d’une réduction. Mais il se trouve que je suis très doué dans les oraux. Donc plutôt que de gaspiller du temps à réfléchir ou à paniquer, j’ai juste répondu très rapidement au hasard.
- M. Galita, passons à la première question : c’est une oxydation ou une réduction
- C’est une oxydation
- Ah, ça commence mal : c’est une réduction
Et c’est là que je me dis que je vais tenter le culot. La prof de chimie était jeune, c’était sa première année. Je savais également que c’était dur de prouver formellement sous la pression qu’une réaction est une réduction. Parce que les gens ont tendance à apprendre par coeur. Même à haut niveau. Je sais qu’elle a la bonne réponse parce qu’elle a le corrigé. Mais qu’elle-même aurait du mal à ma place. Je profite également du fait que je sais qu’elle sait que je suis un bon élève. Je lance donc :
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